Le gaming du Daron: Spécial FALLOUT

Le Daron en armure assistée X-01 tire au fusil plasma sur Pikachu et Dracaufeu dans un décor post-apocalyptique, style bande dessinée franco-belge moderne.

Le jeu qui m’a appris qu’il valait mieux être un enculé lucide qu’un gentil ignorant

Il y a des jeux qui distraient avec de belles histoires à suivre.
Il y en a d’autres qui distraient par leur beauté graphique.
Et puis il y a Fallout (1 et 2). Ce n’est pas un RPG à la mords-moi-le-nœud comme savent le faire les entreprises modernes. Ce jeu est une putain d’ode à la violence, à la soif de puissance et à la misogynie systémique. Et c’est ça qu’on aime, putain.

1> Quand j’étais môme, j’ai pas choisis ce PD de Mario

Je t’ai déjà parlé de ma découverte du jeu vidéo par le biais de la NES. Bon, c’était cool. La suite logique que j’avais prévue, c’était de te le faire par ordre chronologique : ce que j’ai découvert après la NES, ce qui était bien et ce qui ne l’était pas.
Mais en fait, le souci, c’est que je suis passé en ville récemment. Et comme à chaque fois que je passe en ville, je croise tous les oiseaux rares du putain de bestiaire de Pokémon, ça me donne envie d’enfiler une armure assistée X-01, de prendre une grosse gatling laser et de pulvériser tous ces enculés. Alors il faut absolument que je te parle de Fallout, parce que tout y est !

Bref, je m’égare, revenons-en au fait.

Donc, dans cet article, je te disais que j’avais un cousin (salut Guillaume !) chez qui je partais parfois en vacances et qui avait souvent de nouveaux jeux que je ne connaissais pas, que ce soit sur PC ou sur PlayStation.
Et un jour… je suis chez lui, et il va jouer à l’ordi. Je vais donc avec lui pour le regarder jouer (putain, mais je devais avoir 12 ans max, quand j’y repense c’est n’importe quoi…) et il lance… Fallout.

Du gros, du lourd, du très énervé Fallout 2 :
Tiens, c’est du tour par tour — c’est un format qui me plaît bien.
Tiens, les graphismes ressemblent à Diablo — que je connaissais et que j’aimais bien aussi.
Tiens, il y a des gros flingues.
Tiens, quand tu tires sur des mecs, tu peux les faire exploser ou les couper en deux.

Tout me plaisait. Je suis rentré chez moi, je voulais ce jeu. Bon, j’avais 12 ans, donc pas de thunes, famille de prolos, donc pas de thunes… Et un jour, on est sur une brocante en famille. Et comme à toutes les brocantes, à cet âge-là, je regarde uniquement les jeux vidéo que les gens vendent. Et putain, il y a un mec, il vend Fallout ! Dans sa grosse boîte, avec la notice, le jeu en CD original et même un livret de survivant de l’abri.

Enculé… je demande au mec de me le mettre de côté, je vais chercher mes parents (le type a dû se poser des questions : un gamin de 12 ans qui ne veut plus jouer à Action Man mais qui veut éclater du mutant au lance-roquettes, c’est louche).

Putain, j’arrive avec mon père, ce gros geek, je lui raconte comment ce jeu, c’est un truc de fou. Et du coup, il a bien voulu que je le prenne (pas con le type, il savait qu’il allait jouer avec aussi).

2> Petite désillusion…

Je rentre donc avec mon jeu, et comme tout gros geek qui se respecte, je ne peux évidemment pas attendre demain pour essayer.
Sauf que oui, mon gars, on est en 1997-98, que quand tu veux installer un jeu, ça prend 15 ans, que ça marche une fois sur deux et qu’il y a toujours des réglages de merde à faire.
Après une attente interminable, putain, le jeu se lance enfin et je démarre ma nouvelle partie. Au bout de quelques minutes… je me rends compte que ce n’est pas le même jeu. Enculé… J’apprends dans mon magazine Joystick, que je m’étais procuré entre-temps (avec un fascicule spécial pour Fallout 2 qui expliquait les nouveautés), qu’en fait, il y a deux Fallout, et que celui que j’ai, ce n’est pas le 2, mais le 1.

Oui bon, ça me fait chier, mais voilà. Au moins, je me dis que je connaîtrai toute l’histoire, alors je me lance dedans. Alors, je ne veux pas te spoiler, mais bon, le jeu est sorti il y a 30 ans : si tu n’y as jamais joué, c’est que ta mère tapine, en fait. Donc je vais quand même te raconter l’histoire, dans les grandes lignes.

3> Fallout 1

Capture du Superviseur de l’Abri 13 dans Fallout 1, un homme en pyjama bleu observant depuis son terminal, symbole du contrôle et de la peur de l’extérieur.
Le Superviseur de l’Abri 13, incarnation bureaucratique du contrôle total : visage froid, ton paternaliste, et peur maladive du monde extérieur.

Fallout 1 démarre : direct, t’as un mec à mi-chemin entre un juif et un contrôleur SNCF qui t’explique que l’abri antiatomique dans lequel tu vis a un problème avec une puce électronique qui sert à filtrer l’eau, et que sans ça, tout le monde va mourir. Bon, ça ne sent pas la Deutsche Qualität, mais il faut faire avec ce qu’on a.
Bien sûr, tu es le volontaire désigné pour aller risquer ta vie dehors pour le bien d’Isra… heu, de la communauté.

Donc le mec te fout dehors, en pyjama, avec un couteau rouillé et un flingue de merde. Merci, et que Dieu te protège !

Première ville : T’atterris chez des putains de chameliers ! Regarde-moi cette gueule, franchement :

Est-ce qu’il a une tête qui transpire la confiance ou est-ce qu’il a une gueule à t’égorger avec un couteau courbé pendant que tu dors ?


Non parce que quand même, tu quittes ton abri rempli de rabbins blancs et le premier village sur lequel tu tombes, c’est un Gaza rempli de Touareg en fait. Alors comment ça se passe dans ta tête ? Ça va bien ?

Alors je ne vais pas passer 107 ans à te raconter l’histoire et tous les personnages plus ou moins hauts en couleur, mais tu vas croiser un sacré bestiaire dans ce jeu (pire qu’à la JAPAN WEEK !) :

  • T’as des super mutants, des gros bodybuilders avec des biceps plus larges que les cuisses de la mama italienne. Ils ont juste envie de t’éclater et de te bouffer. Fruit d’une mutation génétique forcée par un virus, ce sont les gros méchants de ce premier opus.
Image du Lieutenant du Maître dans Fallout 1, un super mutant imposant en armure métallique, visage déformé, regard froid, symbole du fanatisme technologique et totalitaire.
Le Lieutenant du Maître, super mutant fanatique et froid, serviteur zélé d’une utopie génétique : un monstre convaincu de sauver l’humanité en la détruisant.
  • Dans la lignée des déguelasseries mutées, tu vas aussi avoir les goules. Elles, à l’inverse, sont maigres et faibles. En gros, si les super mutants étaient Schwarzenegger, les goules seraient Timothée Chalamet. Voilà un peu le principe pour imager. Il y en a un qui peut éclater l’autre sans transpirer, mais on ne dira pas lequel.
Image de Harold, goule mutante de Fallout 1, au visage déformé et à la peau brûlée, symbole d’une humanité survivante mais corrompue par le nucléaire et le temps.
Harold, la goule bavarde et déglinguée de Fallout 1. Défiguré, mutant, mais encore humain quelque part sous la peau pourrie. Une relique qui parle au nom d’un monde fini.

Dans le bestiaire t’as aussi les rats géants, les scorpions qui font la taille d’une vache, différents groupuscules de fils de pute illuminés qui ont tous plus ou moins envie de t’enculer.

T’as aussi une entité appelée la Confrérie de l’Acier. Alors eux, au début j’adorais parce que j’avais l’impression que c’étaient des descendants des putain de chevaliers croisés. Mais en super armure assistée, avec des gros flingues. Mais plus ça allait, plus j’avais l’impression que c’était une putain de secte franc-maçonne en fait. Je sais pas trop quoi en penser au final et ça oscille un peu entre les deux.

Bon bref, il faut éclater tout le monde, c’est plus simple. Comme on dit chez nous : dans le doute, vide ton chargeur.

Une fois les péripéties terminées, tu rentres à la synagogue avec ta puce d’eau de merde et là, truc magique, le rabbin en chef te fout dehors parce que t’as été « changé par la vie en extérieur ». Mais quel enculé !
Tu viens de risquer ta vie pour sauver tout ton peuple et ces bâtards te foutent à la porte ! Il me semble qu’il y avait plusieurs fins possibles dans ce jeu, et que dans l’une d’elles, tu éclatais le chef.

C’est mérité, donc c’est « Daron Approved ».

4> Fallout 2

Là, on va dépasser les limites. Ce jeu… mais c’est une dinguerie au niveau des libertés.
Il ne respecte pas du tout les codes du monde actuel. Mais tellement que ça me fume : je vais te raconter tout ce dont je me souviens et qui m’a marqué à l’époque où j’y ai joué. Assieds-toi bien, et regarde un peu ce qu’était la norme dans les années 90 :

Déjà, contrairement au premier volet, là le sexe de ton perso va changer quelque chose : si t’es une gonzesse, tu vas pouvoir tapiner pour avoir du fric ou des réductions sur de la drogue. Mais par contre on s’en fout de l’âge, même tarif si t’as 15 ans et si t’en as 60 ! C’est un peu immonde au fond, mais c’est ce que font les politiciens et les célébrités actuels au final, donc ça ne devrait pas les choquer !

T’as aussi la possibilité de faire un championnat de boxe, où tu te bastonnes contre différents mecs. Et à la fin, sur le dernier, tu peux te faire bouffer l’oreille. Petite dédicace à Mike Tyson contre Holyfield.

Tu as aussi la possibilité de tourner dans des films… pornographiques ! Là encore, le dernier film est une surprise et vous lance dans… un porno gay. Oui, dans les années 90 c’était jugé honteux d’être gay alors on a mis ça là pour « faire la blague ! » Aaaaah… quelle belle époque quand même !

Dans la même ville où il y a toutes ces activités intéressantes, il y a également une quantité de prostituées impressionnante. Littéralement à chaque poteau. Tiens, en parlant des putes, quelque chose me revient ! Dans une des villes qu’on traverse, à un moment on peut se taper une jeune fille, pucelle, et son père, qui, vous surprenant en plein ébat, vous force à vous marier pour réparer l’affront qui est fait. Comme quoi il y avait encore l’esprit des bonnes valeurs chrétiennes dans le fond.

Nous voilà donc époux, avec une femme qui nous suit comme si c’était un de nos alliés pour les combats. Là où ça devient intéressant, c’est que ta gonzesse, tu peux la laisser à un proxénète dans la ville dont nous parlions précédemment. De ce fait, elle te rapportera du fric et arrêtera de te suivre !

Dans cette même ville, il y a 3 parrains de mafia qui s’affrontent, et chez l’un d’eux on peut se taper sa femme ou sa fille, au choix (à tes risques et périls bien sûr).

Autre chose qui m’avait bien fait marrer dans ce jeu, ce sont les « finish ». En fait, suivant les armes que tu vas utiliser, le mec que tu vas éclater aura une animation de mort différente. Si tu le finis sur un coup critique, il va se retrouver avec un trou béant dans le thorax. S’il prend une rafale, tu vois ton ennemi éclater. Avec une arme laser, le mec se fait couper en deux. Avec un lance-flammes, le mec court en feu et finit en tas de cendres. Avec un flingue électrique, le mec se fait électrocuter. Et enfin, mon préféré, le plasma ! Et là, le mec se fait littéralement transformer en tas de bouse, dans un bruit de sploch extraordinaire.

GIF des animations de mort dans Fallout 1 et Fallout 2 : personnages explosés, fondus, décapités ou pulvérisés, symbolisant la brutalité et le cynisme du monde post-apocalyptique.
Explosion, découpe, fusion, carbonisation : les morts de Fallout rappellent qu’avant d’être un jeu, c’était une leçon de style — et une morale à coups d’acide.

On avait fait la connaissance de la Confrérie de l’Acier dans Fallout 1. On en avait conclu qu’elle avait un air louche de franc-maçon. Bien. La 3ᵉ loi de Newton nous dit que « lorsqu’un corps A exerce une force sur un corps B, le corps B exercera une force sur le corps A de même grandeur, mais dans le sens opposé. » Et donc, pour s’opposer à la puissance de la Confrérie de l’Acier, à tendance maçonnique (extrême gauche), les développeurs ont donc intégré une force opposée d’extrême droite.

Bienvenue dans l’Enclave ! Ce sont des nazis, des types finis. Tout ce qui bouge, c’est du mutant ; tout ce qui ne bouge pas, c’est du mutant. Mais du mutant discipliné, nuance ! (j’espère que t’as la réf !)

C’est en fait le gouvernement officiel des États-Unis, qui se sont enfuis avant que les bombes ne tombent. Ils ont donc dans leurs rangs le président officiel des USA et la pointe de la « technologie d’avant-guerre », ce qui se fait de mieux.

Ce sont les gars qui arrivent aux portes des abris : ils font toc-toc et ils éclatent toutes les personnes — hommes, femmes et enfants — qui vivaient ici. Ils se battent contre la Confrérie, contre les mutants, contre les goules, contre les pillards…

Une famille sort de l’abri, toute contente de revoir la lumière du jour. En face, les types de l’Enclave les canardent à la Gatling. Fallout 2 dans toute sa poésie.
Coucou, c’est nous !

Bref, de leur point de vue, eux sont purs et les autres doivent être exterminés (tiens, ça ne te rappelle rien ?)

Enfin bref, voilà toutes les bonnes choses, les libertés d’action et d’esprit qui étaient tout à fait autorisées et normales il y a à peine 30 ans et qui, aujourd’hui, enverraient les développeurs directement en prison sans passer par la case départ. D’ailleurs, dans tous les opus qui ont suivi, que ce soit Fallout 3, Fallout: New Vegas, Fallout 4, Fallout 76, ce côté borderline a complètement disparu et le jeu est devenu aseptisé, comme n’importe quel jeu de merde qu’on trouve partout. Il a perdu sa superbe et son goût particulier pour la liberté.
Attention, non pas que je cautionne tout ce qui y est permis, mais le fait d’avoir encore la possibilité de laisser le choix aux joueurs de faire des choses (aussi dégueulasses soient-elles) montre qu’on avait encore une liberté d’expression. Aujourd’hui, on n’a même plus le choix. C’est pour ça que les jeux ne m’inspirent plus depuis longtemps. On est obligé d’y faire des actions qu’on n’a pas envie de faire !
Un clochard sur la route, vite, donne-lui une pièce ou un vêtement ! Mais enculé, moi, tout ce que j’ai envie de lui donner, c’est une commotion cérébrale en fait ! Et on ne peut plus ! Il y a un gonz’ dans un jeu qui te parle mal, mais si c’est un personnage important, tu ne peux pas le buter ! Les jeux vous apprennent à être dociles maintenant !

Dans les vieux Fallout, un mec te parle mal, tu peux le dessouder ! Et même s’il ne t’a rien fait, tu peux le démembrer quand même ! Et si ça te bloque pour certaines missions tant pis ! Tu apprends que les actes ont des conséquences. Et c’est sain, voilà. Au lieu de t’apprendre que, suivant tes choix de vie, la suite pourrait se passer très bien ou très mal, on ne te laisse plus le choix aujourd’hui. Comme dans la vraie vie en fait.
Bah alors, explique-moi à quoi ça sert de jouer à un jeu vidéo si c’est pour être le même putain de robot que tu es déjà toute la journée ?

C’est bien dommage.